La réforme du 21 juillet 2008
Le Parlement a approuvé le 21 juillet 2008 avec une seule voix d’avance la 24 ème réforme de la Constitution à la majorité des trois cinquièmes requise (538). C’est le scrutin le plus serré jamais enregistré sous la Ve République pour une réforme approuvée par voie parlementaire.
La réforme des institutions renforce les pouvoirs du président en affaiblissant ceux du premier ministre. Celui-ci perd la maîtrise de l’ordre du jour dans les deux assemblées, qui ne sera plus fixé par le gouvernement que quinze jours sur trente, quatorze jours revenant aux parlementaires eux-mêmes et un jour à l’opposition. En outre, la discussion des projets de loi se fera sur la base du texte de la commission parlementaire, et non de celui du gouvernement.
Edulcorée par rapport à l’ambition initiale du chef de l’Etat, la réforme lui offre une nouvelle prérogative : s’exprimer devant le congrès. En cas de crise gravissime (comme le 10 mai 1940), il pourrait y avoir là un risque pour la démocratie mais personne ne s’en est soucié.
La réforme donne des pouvoirs supplémentaires au Parlement en matière législative et de contrôle. En particulier, à l’article 24 de la Constitution qui définit le rôle du Parlement, ont été ajoutés les mots suivants : « Le Parlement… évalue les politiques publiques ». Le Parlement se voit ainsi conféré une fonction et un pouvoir d’évaluation qui pourrait entraîner un changement majeur dans la pratique de la démocratie. Mais les élus de la Nation exerceront-ils ce pouvoir ? Feront-ils cesser la « culture de la soumission et de la démission permanentes » évoquée par Didier Migaud, Président (PS) de la commission des Finances de l’Assemblée nationale dans l’hémicycle le 28 mai dernier ?
La réforme accorde deux nouveaux droits, fortement encadrés, aux citoyens : référendum et contestation des lois.
Parmi les autres mesures : la limitation de la présidence à deux quinquennats consécutifs ; la possibilité pour les ministres élus avant leur entrée au gouvernement de retrouver automatiquement leur siège, sans le remettre en jeu ; la reconnaissance des langues régionales et la promotion de l’égalité hommes-femmes ; la garantie de « l’indépendance » et du « pluralisme » de la presse, l’article 49-3, permettant au gouvernement de faire adopter un texte sans vote, qui voit son usage limité au budget de l’Etat et de la Sécurité sociale, et à un texte par session.
Mais la réforme ne dit rien du respect des droits de l’homme et de la garantie des droits fondamentaux, à part l’égalité hommes-femmes. On peut toujours rêver, et même on croit réver, en prenant connaissance de l’intervention de Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, devant la Commission des Libertés civiles du Parlement européen il y a seulement quesques jours, le 15 juillet 2008 :
« Les citoyens européens souhaiteent aussi une Europe qui soit un véritable espace de liberté : la libre circulation des personnes, la protection des droits de l’homme et le respect des droits fondamentaux sont les valeurs premières de l’Union européenne. Nos concitoyens y sont très attachés. NOUS DEVONS LES GARANTIR »
Oui, vraiment, mais la Constitution française ne les garantit toujours pas !
La réforme a été adoptée après un suspense qui aura duré jusqu’au bout. Après un week-end de tractations, voire de pressions selon des intéressés, l’UMP a fait quasiment le plein de ses voix (310 députés et 159 sénateurs pour le oui).
Le clan de ses « irréductibles » s’est réduit à sept « non » et une abstention.
Faute de consensus avec le PS, l’Elysée et Matignon avaient misé sur la discipline de l’UMP, le soutien des centristes et le ralliement des Radicaux de gauche.
Deux votes ont été décisifs: celui du président de l’Assemblée Bernard Accoyer (UMP) qui, contrairement à l’usage, a participé au scrutin, glissant un bulletin « oui ». Et celle de Jack Lang, seul PS à avoir voté pour.
Après le vote, le Premier ministre François Fillon a assuré que l’élan réformateur » allait être encore renforcé »
« Les grandes réformes de notre histoire ont parfois été adoptées à une voix », se consolaient des élus de la majorité. Allusion à l’amendement Wallon, fondateur de la IIIème République, passé en 1875 à une voix près.