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15 mars, 2007

Propos du Président de la Cour Européenne

Classé dans : — justeurope @ 19:44

Quelques propos du Président sortant de la Cour Européenne, Luzius Wildhaber, recueillis par Gaby Ochsenbein de swissinfo (www.swissinfo.org) : 

Y a-t-il à vos yeux des droits de l’homme importants et d’autres qui le seraient moins ?

Un des principes de base veut que les droits de l’homme soient indivisibles. Ce principe ne se contente pas de sonner juste, il l’est dans son fondement même. Il faut un ensemble de règles pour qu’un Etat puisse garantir la liberté et la démocratie.

Nous traitons de cas aussi différents que des affaires de disparitions et de tortures arbitraires, ou de savoir si une durée de cinq ans pour un procès devant deux instances est trop longue ou non.

Vous pensez certainement vous aussi que l’enjeu n’est pas le même. La mort ou la vie d’un côté, la justesse d’une procédure de l’autre. Nous serions donc très insensibles si nous pensions que l’indivisibilité des droits de l’homme signifie que qu’ils se valent tous.

Quel a été l’affaire la plus retentissante durant vos seize années à Strasbourg ?

Je ne peux ni ne veux faire un palmarès. Quarante-six Etats sont représentés ici. Certaines affaires sont importantes pour certains pays et pas du tout pour d’autres. Pour la Turquie par exemple, les plaintes concernant le chef du PKK Abdullah Öcalan ou l’interdiction du voile à la faculté de médecine d’Istambul sont des cas très sensibles.

La Cour des droits de l’homme souffre d’une surcharge chronique. 90.000 cas sont pendants. D’où provient cet engorgement ?

Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, nous avons accueilli 21 Etats d’Europe centrale et de l’Est. Certains ont une forte population, d’autres se sont dotés récemment seulement de tribunaux indépendants. Les habitants de ces pays ayant une confiance plutôt limitée en leur justice, ils s’adressent à nous.

Notre Cour peut être saisie par 800 millions de plaignants potentiels. Deux tiers de tous nos dossiers viennent de pays d’Europe centrale et de l’Est, tandis que 7 à 8% proviennent de Turquie. Le nombre d’affaires concernant les Etats d’Europe occidentale est inférieur à 30%, mais il est lui aussi en augmentation.

Or notre budget est trop faible, et cela depuis des années, pour pouvoir régler les affaires avec diligence. Les cas de routine devraient être réglés à l’intérieur des Etats concernés.

Les Etats membres sont censés donner suite aux verdicts de Strasbourg. Le font-ils ?

Globalement, oui, cela fonctionne bien. Nous avons cependant régulièrement des affaires qui suscitent des complications.

Il faut préciser que nous ne sommes pas compétents pour l’exécution des verdicts. C’est le Comité des ministres du Conseil de l’Europe qui doit surveiller leur application. Nous, nous disons par exemple que dans l’affaire XY, telle garantie de la Convention des droits de l’homme n’a pas été respectée. Les Etats doivent ensuite rendre des comptes au Comité des ministres, dire comment ils ont appliqué le verdict.

Les arrêts de la Cour de Strasbourg ont parfois des conséquences politiques. Ce tribunal est-il politique ?

Une partie de nos arrêts mettent les gouvernements dans l’embarras. Aucun d’entre eux ne se laisse volontiers dire qu’il a torturé ou fait disparaître ses ressortissants. Mais je ne crois pas que nous soyons un tribunal politique. Nous ne nous laissons en aucun cas influencer par les Etats.

Avez-vous de l’influence sur les pays où l’Etat de droit est un fait acquis et bien ancré depuis longtemps ?

Nous avons eu des dossiers qui ont conduit à des modifications législatives dans toute l’Europe. Mais je dois dire ici, de façon générale, qu’il ne suffit pas de ratifier une convention pour mettre en oeuvre les droits de l’homme.

Les droits de l’homme, comme la démocratie, exigent qu’on y travaille et qu’on s’y confronte en permanence. Aujourd’hui, il est souvent question de menaces terroristes. Cela montre que des contextes donnés ou des scénarios de menace peuvent changer. Le discours et la jurisprudence sur les droits de l’homme doivent sans cesse être adaptés.

La lutte contre le terrorisme est-elle compatible avec les droits de l’homme ?

Ce thème va à coup sûr occuper et influencer la Cour des droits de l’homme de façon très importante ces cinq à dix prochaines années. Un Etat doit protéger ses citoyens, c’est du reste également ce que ces derniers attendent de lui.

Ensuite se pose la question des mesures nécessaires pour protéger la population. Certaines mesures mettent-elle en danger la société libre et ouverte, lui font-elles courir certains risques ? Si la réponse est oui, cela revient à dire que la société est en train de vendre son âme.

Vous fêterez votre 70e anniversaire le 18 janvier et prendrez congé de la cour le 19. Comment vivrez-vous cette séparation ?

Durant toutes ces années, j’ai pu me consacrer à un travail que j’ai toujours trouvé plein de sens. Ce tribunal contribue de façon importante à l’histoire européenne. Je me suis beaucoup plu à Strasbourg et peut-être m’y serais-je plu encore un peu plus longtemps.

Le sociologue Max Weber avait dit qu’en politique, il faut « faire des trous dans des planches très épaisses », dans le sens de ne pas « lâcher le morceau » avant d’avoir terminé son travail. La Cour européenne des droits de l’homme, c’est un « morceau » qu’il vaut la peine de ne pas lâcher.

(Traduction et adaptation de l’allemand : Ariane Gigon Bormann)

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